Les Perles du Veneur

Enfin arrivés. Le vieil Evrard faisait les comptes.

Le soldat repensait à ce qu’il en avait déjà coûté à leur petite troupe avant même d’atteindre les portes de la cité. Sept petits jours et six longues nuits passés dans les bras froids et durs de la forêt, une sombre étreinte qu’ils n’oublieraient jamais.

Trois jours de retard sur l’itinéraire, une mule qu’ils avaient dû achever eux-mêmes après une chute inexplicable, deux hommes mystérieusement disparus et un troisième devenu fou après qu’on l’eut tiré d’un tronc creux qui avait tenté de l’avaler. Fils de charbonnier, Evrard pensait à ce qu’on disait là où il était né : «la forêt donne, la forêt reprend», c’était une maîtresse égoïste qui ne faisait de cadeau à personne.

Il avait froid, il avait peur, il avait hâte de se mettre à l’abri des hautes tours de la cité. Trop fatigué pour se poser des questions sur leur hauteur et leur présence incongrue dans cet endroit hostile, il y réfléchirait plus tard, ou bien jamais. Tout ce qui comptait à cet instant, c'était la promesse de protection qu’elles leur offraient. Demain, le marchand qu’ils escortaient achèterait les précieuses perles qu’on pêchait au pied de la grande cascade, le Saut du Veneur, et qui faisaient la richesse de la cité. Que le négoce se fasse vite et qu’ils s’en retournent, à la lumière, loin de la froide pénombre de ces branches qui coiffaient leur horizon.

La forêt, elle, connaissait les réponses à toutes les questions du cavalier. Elle avait vu pousser les tours, elle avait reçu en silence le défi qu’elles semblaient lui lancer. Elle était là avant et serait là après. Elle savait ce qui était arrivé aux deux gardes, elle savait qu’on ne doit brûler que du bois mort pour faire un feu, elle savait qu’ils auraient dû camper plus près du chemin. Elle savait les mots à prononcer en franchissant les gués, les offrandes à déposer sur la rive que l’on quitte, et sur celle que l’on atteint.

Elle connaissait toutes ces règles et, préceptrice intransigeante, elle les enseignait depuis bien longtemps aux habitants de la cité qui connaissaient bien ses leçons, elle éduquerait à leur tour ces voyageurs ignorants.

Elle aussi tenait des comptes, et ils étaient toujours précis. Que ces voyageurs reposent leur esprit au son de la grande cataracte, qu’ils profitent des perles et d’un peu de répit. Comme les autres, ils étaient venus, ils repartiraient et la leçon reprendrait.

Et dans le mystérieux livre des branches, sur chacune des pages elle reprendrait les comptes. La forêt donne, la forêt reprend.

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A PROPOS NICOLAS WEIS

Nicolas Weis est un professionnel créatif comptant plus de 15 ans d'expérience en tant qu'artiste en développement visuel dans l'industrie du divertissement. Après dix années passées au sein des studios DreamWorks et Paramount Animation à Los Angeles, il est retourné en France, où il travaille en tant qu'artiste indépendant sur des projets de longs métrages d'animation. Parmi ses crédits figurent Astroboy, Les Croods, Dragons, ainsi que de nombreux projets confidentiels.

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